Alphonse Mellot

 
 


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  La Moussière 2005
Divers commentaires presse Québec

Le vin, boisson évolutive
Jacques Benoît
La Presse - Canada


Le lait, les jus de fruits, le vin, sont tous des boissons évolutives.

Mais, à la différence du vin, le lait et les jus de fruits se gâtent avec le temps, quoi qu'on y fasse.

Le lait surit, les jus de fruit s'oxydent, perdent leur fraîcheur et finissent, comme le lait, par être imbuvables.

Parmi toutes les boissons existantes, seul le vin est au contraire susceptible d'évoluer... dans le bon sens, c'est-à-dire de se transformer pour le mieux. Il arrive aussi que des vins, après la mise en bouteilles, soient en état de choc, ou du moins fort différents de ce qu'ils seront devenus quelques mois plus tard.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, certains vins rouges, à la suite de l'embouteillage, perdent momentanément une partie de leur couleur, et peuvent se présenter alors avec des arômes oxydatifs - de fruits cuits -, comme s'ils avaient vieilli prématurément.

Parfois aussi - toujours peu de temps après la mise en bouteilles -, ils ont l'air, comme on dit, étriqués, dissociés, leurs composantes semblant alors très mal liées. Les vins se goûtent alors, pour ainsi dire, en pièces détachées !

Puis, quelques mois passent, et ils se replacent d'eux-mêmes, ils retrouvent leur couleur d'origine, leurs différentes composantes se marient de nouveau harmonieusement.

Cette capacité du vin à se remettre de cet état de choc consécutive à l'embouteillage est même mesurable - c'est, dit-on, le potentiel rédox.

«La détermination du potentiel rédox d'un vin est une mesure qui représente son état actuel et temporaire d'oxydation», écrit à ce sujet dans Connaissance et travail du vin (Dunod) le grand oenologue bordelais Émile Peynaud, aujourd'hui décédé.




Dans une interview avec le signataire de ces lignes, il y a déjà plusieurs années, le réputé viticulteur de la vallée du Rhône Marcel Guigal évaluait à 35 % la portion de sa couleur qu'un vin rouge pouvait perdre, et retrouver par la suite, en raison de l'embouteillage.

Tout cela pour en arriver à ceci, à savoir que, la semaine dernière, j'ai décrit dans cette chronique le très beau Sancerre 2005 Domaine la Moussière en me fiant à ma dégustation du mois de mai, au Québec, avec son producteur Alphonse Mellot.

Élégant, bien mûr, ce vin de Sauvignon blanc, dont une bonne portion (40 %) fermente et est élevée en fûts neufs, au bouquet d'une parfaite distinction, m'avait semblé se présenter avec le Sauvignon blanc en retrait. Autrement dit, les arômes propres au Sauvignon blanc, pourtant si caractéristiques, me parurent alors très peu marqués. Était-ce à cause de la mise en bouteilles encore récente à ce moment-là, puisqu'elle fut faite en mars ?

Toujours est-il que, goûté de nouveau tout récemment, ce vin m'a semblé transformé.

Au nez, impossible maintenant de s'y tromper, c'est du Sauvignon blanc, le caractère variétal est donc désormais bien présent, et la bouche, aux très belles saveurs, est vive, avec toute l'acidité voulue, mais aussi une note grasse dans l'après-goût qui lui vient de toute évidence de son élevage partiel en fûts. Bref, il m'a semblé changé!

Le plus étrange dans tout cela: un collègue du milieu du vin, qui goûte très bien et qui l'a lui aussi dégusté de nouveau récemment, est resté, pour sa part, avec la même impression qu'en mai. Impression qui était la même pour lui et moi.

À son avis, donc, le vin reste peu marqué par le Sauvignon, comme en mai.

Variation d'une bouteille à l'autre, comme cela arrive pour les vins blancs? Peut-être. Quoi qu'il en soit, le Sancerre Domaine la Moussière 2005 est... sous ces deux aspects, un magnifique vin, qui saura vieillir avec grâce.

À boire, 7-8 ans.

Autrement dit, son potentiel de garde m'a semblé nettement plus grand à cette seconde dégustation.

«Dans 20 ans, on en boira toujours», disait il y a quelques jours Alphonse Mellot joint en France sur son portable.

Ainsi va le vin...

«La beauté du vin, c'est qu'il défie tous les experts», disait pour sa part de son vivant le grand connaisseur montréalais Henry Wojcik.

Il avait bien raison.



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